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JO 2022 : la chute, spectre encombrant des athlètes de sports extrêmes - Le Monde

Kevin Rolland et Tessa Worley, porte-drapeau de la délégation française, lors de la cérémonie d’ouverture des Jeux de Pékin, le 4 février.

Quelques minutes avant que la délégation tricolore ne pénètre dans le Stade national de Pékin, le 4 février, pour la cérémonie d’ouverture des XXIVe Jeux olympiques d’hiver, le porte-drapeau et skieur freestyle Kevin Rolland suggère à ses camarades une manière de se démarquer des autres nations au moment de défiler. L’image des Bleus formant le « V » de la victoire fera le tour du monde et l’histoire personnelle de son instigateur donne à l’anecdote d’autant plus de saveur. Avant même de participer à la finale du half-pipe (demi-tube de neige dans lequel les skieurs doivent exécuter des figures acrobatiques), samedi 19 février, Kevin Rolland a déjà remporté, par sa simple participation à la grand-messe des sports de neige et de glace, une première victoire.

Deux ans et demi plus tôt, le 30 avril 2019, alors qu’il tente de battre le record du monde du saut le plus haut depuis un tremplin de plus de dix mètres à La Plagne (Savoie), le Savoyard a été victime d’une grave chute. Trois jours de coma, fracture du bassin, hémorragie cérébrale, poumons perforés par des côtes, pancréas endommagé… Les médecins doutent de sa capacité à pouvoir remonter sur des skis un jour.

Dans un documentaire intitulé Résilience, diffusé le 25 janvier sur Eurosport, il raconte comment il a traversé ses trois mois d’hospitalisation, sa convalescence, sa rééducation. Comment il s’est mis en tête, aussi, à 32 ans, de décrocher son billet pour les Jeux et, qui sait, d’y glaner peut-être un nouveau podium olympique, huit ans après sa médaille de bronze à Sotchi (Russie).

De son accident, Kevin Rolland a évidemment gardé des séquelles : des « douleurs » physiques, mais surtout un peu d’appréhension. « Auparavant, je pouvais parfois prendre des risques qui n’avaient pas vraiment lieu d’être, reconnaissait l’intéressé en conférence de presse, le 15 février. Ils sont aujourd’hui un peu plus calculés. Je ne les prends que quand il le faut. »

« Gestion personnelle » de la blessure

Le risque de blessure fait partie du lot quotidien des athlètes, et c’est encore plus vrai quand on pratique un sport extrême. Au point de devenir le spectre encombrant d’une carrière sportive, de celui qui peut briser prématurément les rêves.

« Franchement, quand je suis en haut de la piste, je me dis parfois : “Mais je vais me casser le corps. Si je tombe, je sais que je vais me faire hyper mal” », reconnaît Perrine Laffont. Cette petite voix, la championne olympique 2018 de ski de bosses – une descente chronométrée sur une piste parsemée de bosses et pourvue de deux tremplins –, 4e de l’épreuve aux Jeux de Pékin, a réussi à l’atténuer avec l’aide d’une préparatrice mentale. Il lui suffit de se rappeler les heures passées à l’entraînement et de se répéter comme un mantra : « Ça peut arriver, mais techniquement et physiquement, j’ai toutes les capacités pour faire les choses bien. »

En Chine, Tess Ledeux est allée chercher la médaille d’argent en ski big air et la 7e place sur slopestyle. Deux disciplines extrêmes : la première consiste à s’élancer d’un tremplin pour réaliser une figure acrobatique ; la seconde à dévaler une pente ponctuée de rampes et de tremplins, avec là encore, l’objectif d’y placer des figures. La jeune femme de 20 ans est aussi la cousine de Kevin Rolland et, naturellement, elle a été très affectée par son accident. Pourtant, aucun transfert ne s’est opéré : « Je ne me suis jamais identifiée à ce qui lui était arrivé et ça m’a jamais fait peur ou rajouté des angoisses. »

« La gestion des émotions et de la blessure, c’est quelque chose de très personnel », résume la snowboardeuse Manon Petit-Lenoir, spécialiste du snowboardcross, ce parcours sinueux fait de virages relevés, de bosses et de sauts. A 23 ans, elle parle déjà d’expérience.

A la fin de mars 2018, elle est victime d’une lourde chute lors des championnats de France à Peyragudes, dans les Pyrénées. « Mes pieds sont passés derrière ma tête qui a tapé la première. C’était le drame, mais je ne m’en suis pas rendu compte tout de suite. Je me disais que j’irais voir l’ostéo, qu’il me ferait craquer et que ce serait bon, raconte la Clermontoise. Le lendemain, impossible de me lever du lit. Ma mère m’a emmené aux urgences. Ça a été le début de l’enfer. » Plusieurs vertèbres touchées, quatre mois de corset… Surtout, de longues semaines durant lesquelles, Manon Petit-Lenoir vit avec la menace de finir paralysée. Ou pire.

« Une fois sur la neige, [le stress] a disparu »

Pourtant, elle était sûre que si son corps le lui permettait, elle finirait par remonter sur la planche. « C’est ma vie, je me lève pour ça le matin », insiste la jeune femme, qui a pu recommencer le snowboard sept mois après son accident. Quatre ans plus tard, elle prenait le départ de l’épreuve de cross aux Jeux de Pékin – où elle a échoué en huitièmes de finale, le 9 février. « J’avais un peu de stress le premier jour de mon retour, mais une fois sur la neige il a disparu, fait-elle valoir. Ça devient compliqué dans notre sport si on pense aux blessures, car on ne se donne plus à 100 % et c’est là qu’elles interviennent. »

« On n’est pas dans la paranoïa de la chute et des blessures, mais on en parle assez souvent, estime tout de même le freestyleur Antoine Adelisse, un des proches de Kevin Rolland. On est conscient que notre corps est mis à rude épreuve… On en rigole même un peu parfois : “Ah ouais, toi tu as encore mal là ?” » Le Nantais en sait quelque chose. Ses espoirs de décrocher le premier sacre olympique en ski big air sur le site de Shougang ont tourné court – dès les qualifications, le 7 février –, compromis par une blessure survenue en marge des Winters X Games d’Aspen, aux Etats-Unis, le 22 janvier. Un tour à l’hôpital et deux fractures au dos qui auraient même pu avoir raison de sa participation aux Jeux.

Sa « revanche » sur l’épreuve de slopestyle des Jeux, le 14 février, elle non plus n’aura pas lieu : la faute, cette fois, à une entorse au genou avec lésion du ligament croisé. « J’ai appris à faire ma carrière avec. Paradoxalement, ça m’a beaucoup servi. Ça m’a aidé à me construire, surtout à savoir pourquoi j’avais choisi le ski freestyle et pourquoi j’ai continué », pose-t-il.

Samedi, Antoine Adelisse aura une pensée pour son pote Kevin Rolland. Même si ses chances de finir sur la « boîte » sont minces, l’essentiel est ailleurs : « Etre en finale, ça paraît normal, mais ça ne l’est pas forcément pour moi. J’étais loin d’y penser il y a deux ans et demi », a-t-il souligné au sortir des qualifications, le 17 février. Surtout, rappelait l’intéressé deux jours plus tôt : « Raconter une histoire est plus important que le résultat. »

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