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La ministre des Sports, Amélie Oudéa-Castéra, au JDD : « La vente du Stade de France n'est pas un tabou » - Le Journal du dimanche

Un coup droit de gauchère, lors des qualifications de Roland-Garros 1996, rappelle en photo son passé d’espoir du tennis français. De l’autre côté du bureau, pochettes et parapheurs s’alignent et se superposent par dizaines sur deux buffets scandinaves. Forte concentration olympique : « Jeux hébergement », « Jeux transports », « Jeux emploi »… Si Paris 2024 est un fil rouge pour Amélie Oudéa-Castéra, elle en a eu bien d’autres à démêler depuis son entrée en fonction voilà neuf mois. Jamais ministre des Sports n’a été aussi exposé, conséquence d’une faculté à secouer les vieux usages à l’œuvre dans les fédérations. Noël Le Graët en sait quelque chose, contraint cette semaine de quitter ses fonctions de patron du football français.

​Quel sentiment prédomine au sortir de la crise à la tête de la FFF ?
L’envie d’ouvrir un nouveau chapitre. Et de voir cette fédération fortifier sa vie démocratique, ses contre-pouvoirs, et mieux s’emparer de certains sujets sociétaux. Le discours a pu pécher ces dernières années dans la lutte contre le racisme, l’homophobie et les violences sexistes et sexuelles. La FFF doit réussir cet aggiornamento sociétal. Avec 2 millions de licenciés et 12 000 clubs, le foot est le troisième lieu d’éducation après l’école et la famille.​

Quand Noël Le Graët, même après son départ, dit : « Je n’ai rien fait », ça vous fait sursauter ?
Oui. C’est une forme de déni étonnante. D’abord, il y a eu ces sorties de route répétées… Il a pris conscience de la gravité de ce qu’il a dit sur Zidane, mais je ne l’ai pas entendu reconnaître le caractère choquant de ses propos sur les conditions de travail au Qatar par exemple. Ces dernières années, des dysfonctionnements profonds sont aussi apparus dans le pilotage de la FFF. Notamment le caractère audacieux du tandem qu’il formait au départ avec Florence Hardouin [directrice générale en instance de départ], qui a glissé vers quelque chose de complexe et d’ambigu, pour finir par devenir toxique. Autre élément, son comportement inapproprié avec les femmes. Tout ceci a été analysé dans le rapport de l’IGÉSR, témoignages à l’appui. Comme l’a relevé le rapport, il n’avait plus la légitimité requise.

 Je n’ai pas menti d’un mot, jamais. Et je trouve fort de café d’aller sur ce terrain 

Son avocat vous reproche d’avoir « menti », arguant d’un décalage entre ce que le rapport contient et la publicité qui en a été faite…
Je trouve révoltant d’utiliser ce terme. J’ai restitué à la lettre les conclusions du rapport. Je n’ai pas menti d’un mot, jamais. Et je trouve fort de café d’aller sur ce terrain sachant que, il y a encore peu, Noël Le Graët disait qu’il n’avait pas écrit de SMS et qu’il ne savait même pas en écrire…​

Il se prévaut d’une proximité avec le président de la République, dont il a regretté qu’il n’ait pas « freiné » sa ministre. Dans quelle mesure Emmanuel Macron est-il intervenu dans ce dossier ?
Emmanuel Macron me connaît depuis longtemps, il connaît les méthodes de travail auxquelles je suis attachée. Il savait que ce rapport serait mené par la mission dans le respect des parties et de la déontologie. Je ne connaissais pas Noël Le Graët avant l’été 2022 et je n’avais donc aucun a priori. Je suis toujours restée dans une posture de dialogue. Lors du Mondial au Qatar, je me suis comportée de façon polie, sans jamais céder à ses provocations. Emmanuel Macron n’avait aucune raison de penser que j’avais quoi que ce soit de personnel contre lui qui aurait mérité d’être contrebalancé. Donc l’idée de « freiner » est sans objet. J’ai trouvé ça d’autant plus surprenant que la critique avancée par le biais de la Fifa était celle d’une « ingérence » de ma part. Et là on aurait voulu une ingérence du Président dans cette affaire ? Il y a comme un paradoxe.

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Lors de votre récent entretien avec Michel Platini, avez-vous évoqué l’éventualité d’une candidature à la présidence de la FFF ?
À aucun moment. C’est à lui de s’exprimer là-dessus, s’il en a envie. Cette rencontre, prévue de longue date et à son initiative, a été pour moi un privilège. Le hasard du calendrier a fait que c’est tombé dans un moment d’effervescence. On a parlé des enjeux sociétaux et internationaux du foot, de projets qui lui sont chers dans sa Lorraine, avec l’Unesco, mais en rien des mécaniques de pouvoir à la FFF.

 Emmanuel Macron n’avait aucune raison de penser que j’avais quoi que ce soit de personnel contre lui qui aurait mérité d’être contrebalancé 

Depuis votre entrée en fonction, trois importants dirigeants – Claude Atcher, DG de France 2023, Bernard Laporte à la FFR et Noël Le Graët – ont été contraints de partir. Le signe d’une surveillance accentuée ?
C’est d’abord un concours de circonstances. Avec Claude Atcher, la situation à régler était celle d’un climat marqué par la peur, une forme de brutalité dans le management qui avait créé des risques psychosociaux pour les salariés. Pour Bernard Laporte, l’enjeu était de préserver l’image de la Fédération de rugby à la suite d’un jugement de première instance qui avait retenu de graves manquements dans le champ financier. Et on a évoqué Noël Le Graët, qui est encore un autre cas de figure. Il y a là trois situations et trois personnalités très différentes, même si on peut tirer certaines leçons communes de ces crises. Mais surtout elles ne doivent pas masquer le fait qu’on a près de 110 fédérations qui vont bien, qui avancent bien, tant sur la gouvernance que sur le plan sportif.

Où en est-on de la mission d’inspection lancée en octobre à la Fédération des sports de glace ? Alors même que des voix, comme Sarah Abitbol, évoquent un retour « par la fenêtre » de l’ex-président Didier Gailhaguet…
L’audit est en cours. J’ai des antennes dans cette fédération, j’écoute ce qui me remonte et j’ai compris ce risque. J’ai reçu récemment la présidente, Gwenaëlle Noury. Je lui ai redit, d’une part, qu’il était impératif d’avoir une action plus vigoureuse sur la lutte contre les violences sexuelles. Je lui ai dit aussi, avec insistance, la nécessité d’incarner sa fédération, d’en être l’unique pilote. C’est elle, et aucun autre personnage, qui a été élue à la présidence. Je pense avoir été entendue.

Vous avez émis le souhait de créer un « comité national pour l’éthique et la vie démocratique dans le sport ». Comment va-t-il s’articuler ?
Ce comité va être coprésidé. D’une part par Marie-George Buffet, qui a fait un formidable travail en tant que ministre des Sports [1997-2002], et dont je sais qu’elle n’hésitera pas à me dire sa pensée de façon très franche. Et par Stéphane Diagana, champion du monde d’athlétisme [400 mètres haies, 1997], qui est très investi aujourd’hui dans les enjeux sociétaux du sport. La composition finale de ce comité temporaire de dix-douze membres sera annoncée fin mars. Il aura carte blanche pour me faire des propositions sur trois volets : l’éthique, la vitalité démocratique et la protection des pratiquantes et des pratiquants, notamment contre toutes les formes de violences et de discriminations. Il procédera à de nombreuses auditions et produira un rapport avec des recommandations, à l’horizon d’octobre.​​

 Le stade de France, objet d’une série d’aménagements avec les Jeux, doit aller au bout de son potentiel 

D’où provient la volonté d’ouvrir le Stade de France à une éventuelle cession ?
Cet outil, qui aura accueilli plus de 400 événements et 40 millions de spectateurs, est déjà un pari gagné. L’État a eu raison de le construire. Se profile désormais un moment important, avec une concession de trente ans [à un consortium unissant Vinci et Bouygues] qui arrive à terme en 2025. Notre conviction est qu’il y a un projet exceptionnel à bâtir. Dès lors, on ne veut fermer aucune porte, aucune construction juridique, et laisser le meilleur projet possible s’exprimer. Il y a deux grandes options, une nouvelle concession ou une vente, mais pas une qui serait prioritaire. Ce qui compte, c’est le projet. Il est en revanche impératif que soient préservés la vocation sportive du lieu et les intérêts économiques et financiers de l’État. Pour que le modèle fonctionne bien, il faudra que nos grandes fédérations y trouvent leur place et, sans doute, que la programmation sur le plan culturel et du divertissement s’intensifie. Ce stade, objet d’une série d’aménagements avec les Jeux, doit aller au bout de son potentiel, en s’intégrant toujours plus pleinement dans son territoire, en réussissant aussi sa transition écologique tout en gardant cet ADN sportif et de grands moments de communion auxquels les Français sont attachés.

Avec une idée prédéfinie de son prix en cas de cession ?
Non. Ce dont on est convaincus, c’est que dans toutes les options il y aura beaucoup d’intérêt, qu’une pluralité d’offres et de modèles va émerger [Un appel à candidatures sera émis demain].

Ce sujet a-t-il été au menu de l’entretien entre Emmanuel Macron et Gianni Infantino, le président de la Fifa, le 15 février ?
Je n’étais pas présente, cela a pu être évoqué, mais pas de façon concrète. Que Gianni Infantino nous parle de ses discussions avec la FFF sur le Stade de France ne veut pas dire vouloir le vendre à la Fifa. Il y a d’autres utilisations possibles, sans attendre 2025. Elle a d’ailleurs démenti être intéressée par l’actif.​

Un club comme le PSG, qui cherche à posséder son propre stade, peut être un candidat recevable au rachat ?
On ne s’interdit rien. Le passé de cette concession a montré qu’il était évidemment plus aisé d’équilibrer le modèle avec un club résident. Il a aussi été prouvé qu’il y avait un modèle viable sans. Cette possibilité pourra donc être étudiée, mais parmi d’autres.

 Pour les Jeux, il y aura une billetterie populaire de 400 000 billets portée par l’État, à la demande du Président 

L’ouverture de la billetterie pour Paris 2024 a suscité de la perplexité et laissé poindre l’idée de Jeux pour les riches. Injuste ?
On arrive au terme d’une première phase de commercialisation et je retiens d’abord l’engouement suscité. Côté tarification, on est dans la lignée des éditions précédentes. Avec, pour rappel, un million de places à moins de 24 euros et plus de 4 millions à moins de 50 euros. Il y aura aussi une billetterie territoriale acquise par les collectivités hôtes, qui pourront les proposer à leurs publics. Et une billetterie populaire de 400 000 billets portée par l’État, à la demande du Président. Une deuxième phase de vente à l’unité va s’ouvrir en mai et le comité d’organisation va continuer d’améliorer la pédagogie, en restant très attentif à l’enjeu d’accessibilité.​

En écho au fiasco d’organisation pour la finale de Ligue des champions 2022 au Stade de France, les fans de Liverpool ont récemment brandi une banderole à votre effigie et celle de Gérald Darmanin, avec la mention « Menteurs ». Qu’avez-vous ressenti en la voyant ?
Un peu de peine. À aucun moment on ne s’est écartés des éléments d’information dont on disposait. Reste que cela a été un échec. Nous en avons tiré toutes les leçons. Et nous nous sommes excusés à plusieurs reprises pour l’expérience négative, voire très anxiogène, vécue par les fans de Liverpool. Nous aurions dû, je l’ai dit, avoir un moment d’empathie plus tôt, juste après les événements.

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