Ce jeudi 11 mars, la grande famille de la danse s’est rassemblée à la paroisse des artistes pour rendre hommage à l’un de ses plus brillants et fougueux serviteurs, disparu d’une maladie foudroyante à l’âge de 61 ans.
Le temps s’est arrêté aux portes de Saint-Roch, ce jeudi à 14h30. Le cercueil blanc de l’étoile a été hissé entre des corbeilles de fleurs blanches à l’entrée de l’église. On a étendu dessus le drapeau tricolore et la trompette a lancé le solo de la Strada, composé par Nino Rota, pour Fellini. Une plainte, mais infiniment tendre, infiniment dansante, celle si particulière des artistes qui donnent le meilleur d’eux-mêmes au risque de se perdre, et qui retrouvent leur chemin Dieu seul sait comment.
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Tel était le ton de cette cérémonie organisée par Leïla da Rocha, « l’âme sœur » de Patrick Dupond, disparu à 61 ans. La danseuse orientale est sa compagne depuis 17 ans. Le faire-part l’indiquait. On accompagnait le danseur dans son « envol vers les étoiles ». Des fleurs blanches étaient souhaitées. « Aucun dress code demandé, juste votre élégance et votre amour », précisait encore Leïla.
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Le cortège s’est organisé. Lentement, avec le simple agrément des gens de cœur, les amis, les danseurs, la famille a remonté l’allée centrale derrière le cercueil. Leïla tenait par le bras Nicole Charles, la mère de l’artiste. Francis Lalanne portait un cœur de roses rouge. La famille Bozzoni, épouse et filles de Max, le maître de Patrick, les danseurs de l’Opéra très émus, Elisabeth Platel, Piétragalla, Marie-Agnès Gillot, Kader Belarbi, Jean-Marie Didière que Patrick, né fils unique, désignait comme son frère de coeur, Claude de Vulpian, Carole Arbo qu’il avait nommée étoile, Florence Clerc, Elisabeth Maurin, Claude Bessy, Cyril Atanassof… Des amis, des professeurs, des partenaires, bouleversés de se retrouver sans avoir vu le temps passer, sur les mêmes planches que l’étoile, mais cette fois pour un ultime adieu. Les élèves de la White Eagle Académie, une plume piquée dans le chignon ou à la poche de leur veste, fermaient la marche. Leïla da Rocha avait fondé cette école à Soissons avec Patrick Dupond qui en avait assez long à transmettre.
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À peine achevé l’accueil par le père Luc Reydell, aumônier de Saint Roch, les témoignages se sont succédé. Marie-Claude Piétragalla la première est venue au micro, sérieuse, concentrée, en costume sombre, épaulée Julien Derouault. Il fallait bien la présence de son compagnon pour la soutenir dans un témoignage engagé et très personnel qui célébrait aussi bien le danseur prodige, cet enfant sorti de rien et devenu directeur du ballet de l’Opéra de Paris, si beau représentant de l’élite républicaine, et cet homme qui savait d’un mot réparer les blessures et donner envie de se remettre à la barre.
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Un second témoin faisait entendre les pages du Petit Prince où Saint-Exupéry célèbre le rire des étoiles. Une danseuse du White Eagle racontait ensuite ce que « cet homme qui était à la fois une étoile, une école et une légende » a su transmettre « de générosité et d’amour » à ses élèves. Aurélie Dupont, directrice de la danse à l’Opéra, achevait au bord des larmes, cette première salve de témoignages. Elle avait choisi de dire comme il lui avait toujours été difficile de quitter Patrick. Elle évoquait joliment leur couple « Dupond et Dupont » sur la scène et dans des galas au bout du monde. La manière dont il lui avait appris à danser et à vivre. Les risques qu’il prenait et la peur qu’elle ressentait….
Un ami lut Saint Paul pour la première lettre aux Corinthiens : « S’il me manque l’amour, je ne suis rien. » Le prêtre prit la parole. « À l’origine de l’étoile, il y a Celui qui a demandé que la lumière soit », dit-il avant de demander à l’assemblée « de la gratitude d’avoir vu Patrick vivre son art au service de la lumière ». Il rappela aussi que « Dieu est l’origine de toute danse et que, de la même manière que la danse des étoiles tourne autour de Polaris, point fixe dans le ciel, la danse se mesure à un point fixe, Jésus sur la Croix ». Il a enfin rappelé ce qu'« il fallait souffrance et de confiance pour arriver à cette légereté du corps et du coeur » qui font un danseur. Et de filer la comparaison avec le petit enfant envoyé par Dieu pour sauver les hommes.
« On s’est rencontrés il y a 22 millions d’années, et 17 dans cette vie là, a dit Leïla da Rocha. J’ai eu l’honneur de rencontrer Patrick Dupond mais j’ai surtout aimé Patrick. » Elle a témoigné sur la manière dont ensemble ils avaient donné à leurs élèves, à leur amis, à leur famille « l’envie d’avoir envie ». « Aujourd’hui coeur à coeur, je t’accompagne vers le firmament. Mon Phénix, tu es là, je t’aime à l’infini ». Debout à côté d’elle, Francis Lalanne a cappella a entonné son tube : Pense à moi comme je t’aime. Les premiers rangs ont béni le corps. Les autres ont applaudi sur le passage du cercueil.
À sa fenêtre, de l’autre côté de la rue, une voisine applaudissait en solitaire. Roselyne Bachelot avait dû filer à l’anglaise vers 16h30. On se retrouvait dehors, les giboulées marquaient la pause. Le temps reprenait son cours. Une grande étoile se retrouvait accrochée au firmament. Il était presque 17 heures.
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